lundi 22 octobre 2018

Parisienne #54

11h05 
Le claquement de ses bottes dans la rue Cambon
La bruine qui permet de flâner dans la ville
La blondeur effrénée de tout ce qui sent bon
Et le cœur effaré de tous ces faux rebonds

Comme si le flot des jours était un trampoline.

lundi 11 juin 2018

Parisienne #53

Le chouchou mauve qui presse ses cheveux
Près du manège des abbesses
L’air de tristesse recueillie
De toutes ces grandes filles
Qui ne savent jamais quoi faire de leurs bras
Le soir venu
En attendant de se laisser prendre au piège
D’un garçon qui parle comme il mange
Volubile à la limite de l’écœurement
Jusqu’à la dernière terrasse couverte debout 
de ce quartier nuit
Mâchouiller son chewing-gum 
Est l’occupation du temps

Qu’elle préfère.

mercredi 18 avril 2018

Parisienne #52

Le seul i dans sa silhouette apparaît
Dans toute la souplesse 
Dans toute la vigueur du i
Quand elle se dresse sur la pointe des pieds 
Pour atteindre un tube de lotion pour cheveux de la marque Klorane
Dans les rayons encombrés de filles de la City Pharma rue du Four
Prix imbattables !
Ça me change
De la jeune racaille de tout à l’heure qui,
en classe aérée dans les jardins du Luxembourg,
se vantait d’avoir refait le portrait à Mary Stuart à coups de crachats.
Hey mec, même le mépris de Mary ne te vaudra jamais une statue.
Ou de l’adolescente vulgaire qui, place Saint-Sulpice, se plaint devant ses copines qu’il faut qu’elle perde des cuisses et que son problème est qu’elle ne s’assume pas en maillot de bains (j’interviens et lui dis : Ne vous en faites pas mademoiselle, moi non plus je ne m’assume pas en maillot de bains. En fait, il n’y a que les vendeurs de tissu et les touristes de l’existence qui s’assument en maillot de bains.)
Je garde en mémoire le i de sa silhouette,
Dans les rayons de la Pharma City
Le i de sa silhouette se dresse 
D’une tête ou d’un point
Sur la pointe des pieds
Pour atteindre une bouteille de shampoing
Au-dessus de la laideur de tout le reste.

lundi 5 mars 2018

Parisienne #51

13h27
Longue et blonde
Manteau gris écharpe noire
Pendant que la cérémonie du soleil
Désanctuarise ses cheveux fins et soyeux,
Pendant que les températures remontent à la surface
Elle hésite devant le rayon frais
Du Franprix
De la rue des Deux-Boules.
Et je me demanderais encore 
Bien après les limites de ce quartier
Bien après la fin de ce poème 
Bien après l’ensevelissement de ce monde sous une conjuration d’étoiles plus dignes
Comment une fille si captivante et si gracieuse
Peut aller faire ses courses du midi
Déjà, à 13h27 !
Mais en + au Franprix
De la rue des Deux-Boules ?

jeudi 11 janvier 2018

Parisienne #50

L’air spectral des nuits trop courtes
Des petits déjeuners avalés par d’autres
Des corps pressés dans le métro
Avec son turban en laine et ses gants
Son air pâle outrancé de lèvres rouges
Elle se donne l’allure
Des actrices hollywoodiennes d’autrefois
Qui sont comme des dinosaures maintenant 
Sauf à 9h13 
Dans le métro parisien.