mercredi 16 novembre 2016

Parisienne #42

12h50, métro Corvisart,
Elle est au téléphone
Une messagerie à écouter
Une rue périlleuse à traverser
Et pourtant elle a toujours des mains
Pour arranger les mèches de ses cheveux.
Son visage est-il
Comme la devanture du "Pacha Bazar"
Ordonné quand il donne sur la rue ?
La quincaillerie des heures qui défilent
La cerise coupée de ses lèvres
Et le coeur gros comme une valise
Qui serait toujours
Dans le chemin de l'instant.


jeudi 10 novembre 2016

Parisienne #41

11h14
Solférino
Cheveux soyeux qui débordent en
vaguelettes
De sa gabardine bleue nuit
Le dos légèrement voûté
De ces grandes filles qui ne
savent jamais où se mettre sans
exaucer l'attention.
Elle fixe le panneau où la ligne de métro
Dévoile toutes ses stations.
Hey, elles ne vont va pas s'envoler !
Un visage de femme sur son Tote bag,
et sur le mien :
"Dylan for president".

mardi 8 novembre 2016

Parisienne #40

Au Café Le Jockey Club
20h17 (pas très à cheval sur les horaires)
Boulevard Raspail
Blonde volubile
Petit haut évasé dans le dos
Qui laisse apparaître sa nuque droite
- Cygne sans la méchanceté du cygne -
Elle fait de jolis mouvements amples
des bras
Quand elle parle à un de ces types bruns
qui prennent toujours les choses en main
dans les soirées étudiantes.
Elle a les cheveux derrière les oreilles :
C'est la confiance qu'elle a
Dans le visage qu'elle offre.
Et l'arbre auprès duquel j'écris ce poème
Fait tomber ses feuilles sur mes épaules
Pour me dire qu'il existe lui aussi.

vendredi 4 novembre 2016

Parisienne #39

19h34
Élancée sous un chapeau de paille
Elle attend
À la sortie du métro
Hôtel de Ville
Il y a quelqu'un dans l'univers
Qui à coup sûr a une chance dingue
Et probablement
Quatre minutes de retard.

mardi 1 novembre 2016

Parisienne #38

20h41
Elle court des sacs plein les mains
Et des pensées plein la tête
Rue de Longchamp, Neuilly
Un peu à la limite (de Paris)
Elle court
Contre le temps qui court
contre elle
Cette fille
est un hippodrome.

lundi 31 octobre 2016

Parisienne #37

Cheveux blonds éparpillés
Silhouette masquée par un
Violoncelle dans une coque blanche
Qu'elle porte sur le dos.
Rapide,
Implacide elle fend
La rue Saint-Placide
Passe au travers des chiards
Déguisés qui s'inventent une tradition
Pieds nus dans des Nike noires
19h39
Elle s'engouffre dans le métro
Je reviens sur mes pas.

mardi 25 octobre 2016

Parisienne #36

11h17, de noir vêtue
Blouson en cuir d'où dépasse
La capuche d'un fin sweet
Jean et baskets
La seule couleur qu'elle s'autorise :
Ces fleurs imprimées qui grimpent
Le long de son sac à dos
Un branle-bas de printemps
Dans ce gris automnal et humide
Il y a aussi
Le volume envoûtant de sa chevelure blonde
Elle dévale les escaliers
Se précipite puis hésite
La faute aussi
À ces stations qui ont un tiret
Au beau milieu de leurs possibles.
Ici : Sèvres-Babylone.

lundi 24 octobre 2016

Parisienne #35

18h53 ma foi j'ai déjà vu
Des renards en plein Londres
Mais je ne savais pas qu'il y avait des léopards
En plein Paris
S'il n'en restait qu'un, il n'y en a plus,
Car on dirait bien qu'elle vient de buter le dernier
Pour s'en faire un manteau de mi-saison
La vie est si laide parfois
Qu'on pardonne tout à la beauté j'imagine
Et quand tout ici bas
Ne sera plus qu'une gigantesque tuerie
Il y en a qui laisseront encore
Des traces de leur passage
Sur les murs
Comme je garde un moment
L'image d'elle descendant la rue Beaubourg
À l'esprit.

mardi 18 octobre 2016

Parisienne #34

13h45, brune élégante,
Pull noir, silhouette gracile.
Je coupe par la rue des ciseaux
(je ne me lasse pas de cette formule
depuis 1989, quand j'habitais
rue du regard)
et l'aperçois déjeuner
dans l'une de ces gargotes chics
Bio, forcément bio,
Pour parler comme Marguerite (Duras)
Qui pullulent sur cette face
Adhésive de saleté et de strass
De la planète Terre.
Une apparition et un tour de force.
Une apparition parce qu'elle est jolie comme rare
Un tour de force parce que je considère
Comme un exploit
D'être ému par une personne qui mange
Et qui parle pendant qu'elle mange,
Et qui ne vous parle pas,
Et qui ne vous mange pas (du regard).

mercredi 5 octobre 2016

Parisienne #33

Une touffe de cheveux en pièce montée
Petit chou au long cou
Enveloppé d'un grand manteau et d'une écharpe sombre
Se détache sur le mur jaune
Du Café la Butte, rue Caulaincourt
Elle attend une amie
Qui arrive
À 13h03 et deux gorgées de coca-cola plus tard.

mercredi 21 septembre 2016

Parisienne #32

Elle finit sa nuit à 10h du matin
Dans le métro cradingue
Entre des moustiques malingres
Qui ne lui veulent pas du bien...

Et des sales mecs au regard torve
Vulgaires sans dissimulation
Le sexe et le coeur pleins de morve
Qui ne lui veulent pas du bien...

Entre des accumulations
De laideur et d'incompétences
Et des menaces de colis suspects
Qui pleuvent dans les hauts parleurs.

Elle descend aux Sablons,
Et moi à Pont de Neuilly.
J'ai souvent un métro de retard.

mercredi 31 août 2016

Parisiennes #30 et #31

Ça sert à quoi
D'avoir tous les signaux au vert
Aux passages piétons
Si je stoppe
Le coeur et les jambes à l'arrêt
Devant la beauté
De deux soeurs
Brunes, silhouettes hautes et découpées,
Attaches fines, clavicules saillantes,
Qui traversent à 11h40
La cour carrée du Louvre.
Un lit frais ! Vite ! Avec elles !
Ce serait le paradis.
Mais ce sont des touristes sans doute
Parisiennes pour les vacances
Parisiennes de circonstance
- elles traversent la cour carrée du Louvre
D'une démarche indolente
(qui ajoute à leur majesté) -
Et on ne visite pas le paradis
En touriste.

mardi 30 août 2016

Parisienne #29

Elle est blonde
Et blanche
Comme ma nuit
Mais a mangé tellement
De tabasco
À midi
Qu'elle a la gorge
En PLS
(Position Latérale de Sécurité)
C'est ce qu'elle dit
Au grand boutonneux
Qui lui sert de petit ami
Et dont les tentatives
Pour l'embrasser
Ne lui sont d'aucun secours.
Tant pis
Leur histoire se finit
Dans la moiteur générale
Avenue de la Grande Armée.

vendredi 24 juin 2016

Parisienne #28


Petite de taille
Elle traîne une grosse valise
Ligne 4, 11h30,
Dans la puanteur des métros
Visage un peu allongé
Et admirable
Une mèche de cheveux bruns
Denses et coupés
Au carré mi-long
À peine ai-je le temps d'y penser
Et de penser dans la même fraction
Qu'un poème n'est pas un salon de coiffure
Qu'elle a fui
Vers Odéon telles une éclaircie
Laissant mon coeur ébouriffé
Mon émotion
En plan

samedi 4 juin 2016

Parisienne #27

15h30 rue de Seine
Pause clope
elle fume l’azur de notre rencontre
quelques secondes à peine.

mardi 31 mai 2016

Parisienne #26

Sous le déluge
À Hôtel de Ville
Elle attend pour traverser.
Sans doute le plus beau spécimen 
De parisienne
Que j'ai croisé
Depuis une éternité
- 15 minutes -
À ma rencontre elle me fixe
Le regard fier
Jamais elle n'admettrait
Que ses baskets
Sont trempées.

vendredi 22 janvier 2016

Parisienne #25

Café du Vieux Colombier
"Où depuis mes jeunes années
Je n'avais pas mis les pieds"
Me dit Claude.
- Tout a changé ?
- La peinture, la peinture a changé..."
Est ma réplique qui fait sourire
La jeune femme à la table d'à-côté.
Joli visage au profil aigu qui contraste avec la souplesse
De son corps et de ses vêtements.
Elle déjeune seule, et pour distraction à son déjeuner,
N'arrête pas de consulter son téléphone portable,
Exactement comme je le fais quand je me retrouve dans des fêtes
Où je ne connais personne,
Alors j'efface les messages qui n'ont aucune intention d'être là pour l'éternité
En dépit de l'obsolescence de tout.
Celle ou celui qui daigne
M'envisager
Croit que j'écris
Alors que j'efface,
Et peut-être use-t-elle
Toujours avec souplesse
Du même stratagème.
Après son départ, Claude dit :
"C'est une étudiante !"
"C'est une fille qui travaille dans les boutiques de mode du quartier !",
Soutiens-je.
On se bataille toujours sévère au sujet des absents.
Exégèse d'un sourire.
"Tu en connais beaucoup, dis-je à Claude, des étudiantes qui déjeunent seules,
À trois heures de l'après-midi, dans un café pour une vingtaine d'euros.
Les étudiantes déjeunent plutôt d'un sandwich, ou d'une pomme,
Et souvent accompagnées de types pas possibles qui vont en cours avec elles."
Enfin, bon, j'argumente mais au final,
Je m'en fiche pas mal.
Je trouve ça formidable qu'une fille à Paris
Déjeune seule dans un café du centre ville
À trois heures de l'après-midi
En se foutant bien
Des gens de la table d'à-côté
Et
Par extension
Du reste du monde.