vendredi 22 janvier 2016

Parisienne #25

Café du Vieux Colombier
"Où depuis mes jeunes années
Je n'avais pas mis les pieds"
Me dit Claude.
- Tout a changé ?
- La peinture, la peinture a changé..."
Est ma réplique qui fait sourire
La jeune femme à la table d'à-côté.
Joli visage au profil aigu qui contraste avec la souplesse
De son corps et de ses vêtements.
Elle déjeune seule, et pour distraction à son déjeuner,
N'arrête pas de consulter son téléphone portable,
Exactement comme je le fais quand je me retrouve dans des fêtes
Où je ne connais personne,
Alors j'efface les messages qui n'ont aucune intention d'être là pour l'éternité
En dépit de l'obsolescence de tout.
Celle ou celui qui daigne
M'envisager
Croit que j'écris
Alors que j'efface,
Et peut-être use-t-elle
Toujours avec souplesse
Du même stratagème.
Après son départ, Claude dit :
"C'est une étudiante !"
"C'est une fille qui travaille dans les boutiques de mode du quartier !",
Soutiens-je.
On se bataille toujours sévère au sujet des absents.
Exégèse d'un sourire.
"Tu en connais beaucoup, dis-je à Claude, des étudiantes qui déjeunent seules,
À trois heures de l'après-midi, dans un café pour une vingtaine d'euros.
Les étudiantes déjeunent plutôt d'un sandwich, ou d'une pomme,
Et souvent accompagnées de types pas possibles qui vont en cours avec elles."
Enfin, bon, j'argumente mais au final,
Je m'en fiche pas mal.
Je trouve ça formidable qu'une fille à Paris
Déjeune seule dans un café du centre ville
À trois heures de l'après-midi
En se foutant bien
Des gens de la table d'à-côté
Et
Par extension
Du reste du monde.

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